Facteur humain

Quand le facteur fait partie de la famille

factrice grand mère

En tant que facteur, je discute quotidiennement avec les gens. Et je remarque que les gens n’hésitent pas à se livrer, à mes collègues comme à moi. C’est sans doute, déjà, le métier qui veut ça : le facteur inspire confiance. Le fait que nous nous montrions courtois et discrets joue aussi certainement en notre faveur. Ce n’est donc pas rare qu’ils évoquent leur vie ou celle de leur famille, de leurs enfants. Ils nous font ainsi entrer, le plus naturellement du monde, dans leur cercle familial.

Évidemment, ça peut nous servir pour faire notre travail. Il est courant que des membres d’une même famille habitent le même village. Si j’ai un objet encombrant à distribuer au fils mais que celui-ci est absent, je sais que je peux le confier à ses parents. De plus, les gens n’hésitent pas à me prévenir de leur absence lorsqu’ils partent en vacances, vont chercher les enfants à l’école, ont un rendez-vous chez le médecin… Sans faire preuve d’indiscrétion, je me vois confier des informations qui m’aideront à faire mon boulot plus facilement et qui, en plus, permettent de créer un lien avec les habitants.

 

Dans la mesure du possible, j’évite de laisser dériver la conversation vers des sujets trop personnels.

Je ne veux pas rentrer dans l’intimité des gens. Mais même si je m’efforce de ne pas être trop intrusif, certaines personnes évoquent spontanément des querelles ou des drames familiaux.

 

Un jour que je passais devant une ferme, je vis l’agriculteur descendre de son tracteur pour s’approcher de moi. Il profitait d’être là en même temps que moi pour venir chercher son courrier en mains propres. Après avoir échangé quelques mots, et sachant que je n’étais pas encore familier de cette tournée, il lui parut important de me prévenir que, si j’avais un jour un colis pour sa voisine et que celle-ci était absente, il ne voulait pas que je lui confie le colis. Comme sa voisine et lui portent le même nom, j’étais assez étonné. Il a dû s’en apercevoir puisqu’il a précisé, avec un air triste : « C’est ma sœur, mais on est un peu en froid ». Puis il ajouta, avec une voix tremblante et les yeux soudain brillants : « Elle ne nous parle plus depuis des années… Eh oui, c’est comme ça… »

 

Il n’était pas question d’être indiscret et de lui demander pourquoi. Mais face à son émotion, je ne pouvais pas faire preuve d’indifférence ni couper court à notre échange. À vrai dire, je n’étais pas sûr de la manière dont je devais réagir… Je ne me rappelle pas de mes mots exacts, mais je crois avoir réussi à formuler à la fois ma compassion et ma compréhension (après tout, lui ai-je dit, les cas de différends familiaux sont loin d’être rares).

 

Qu’on le veuille ou non, il existe de nombreux cas où l’on se retrouve mêlé à des histoires familiales. Même si ça nous met parfois dans des situations un peu délicates, ça reste agréable de se sentir apprécié et digne de confiance. Et c’est sans doute l’une des raisons qui expliquent le lien si fort entre le facteur et les habitants.

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